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Commandes passées par le Festival de la correspondance de Grignan à Sigrid Carré-Lecoindre Editions 2016 et 2017

MAIS LE TIGRE EST DÉJÀ DANS L’ESCALIER

D’après les LETTERS HOME, de Sylvia Plath.

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    Le 27 septembre 1950, la toute jeune Sylvia Plath expédie à sa mère Aurelia Schober Plath, la première des plus de 700 lettres qui composent les Letters Home — correspondance minutieuse et frénétique courant sur les treize années qui séparent l’étudiante de la jeune mère de famille que Sylvia Plath deviendra et qui se donnera la mort le 11 février 1963 à l’âge de 30 ans.

    De son entrée à Smith College en 1950 à sa rencontre en 1956 avec celui qui sera son amour, son amant, le père de ses deux enfants, mais surtout son alter-ego, ce faiseur de mots qui entrainera Sylvia à bâtir avec lui une pulsation poétique responsoriale et commune — j’ai nommé Ted Hughes ; les six premières années des Letters Home, ont ceci d’exceptionnel qu’elles dévoilent le chant intime d’une âme scindée entre deux désir fous : celui de devenir une femme, une épouse et une mère, et celui tout aussi prégnant d’écrire sans concession.

    Mais le tigre est déjà dans l’escalier, c’est donc tout d’abord le choix d’orienter la focale sur la première moitié de la correspondance de Sylvia Plath afin de voir éclore au flanc de la femme, l’âme poétique — sa fortification, ses doutes et ses émois. C’est aussi la rencontre avec un esprit vif, fragile, mais déterminé, assoiffé d’excellence, angoissé à l’idée même de la médiocrité. 

Un esprit entier, non négociable, courageux. Aussi rigide que sulfureux. Dévasté parfois devant l’ampleur de la tâche à accomplir pour rendre au monde ses poèmes. Ou pour devenir cet éclaireur que sont tous les poètes, quand ils marchent leur pas d’avance sur le temps et les choses.

    De Purcell à Berlin en passant par Gershwin, Bolcom et Copland, les mélodies américaines, ballades jazz, et autres airs baroques anglais accompagneront ces plongées successives dans le velours duveteux des Letters Home pour jalonner le parcours initiatique de Sylvia Plath, femme et poète et la reconnaissance en Ted Hughes de son âme jumelle.

 « JE DEAMBULE SANS SERRE-TÊTE… »

 D’après les Lettres à Anna, de Marina TSVETAEVA.

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    En mai 1922 Marina Tsvetaeva quitte la Russie pour Berlin dans l’espoir de rejoindre son mari Sergueï Efron contraint à l’exil suite à la révolution. Elle est accompagnée de leur fille Alia. Trois mois plus tard, la petite famille s’installe dans la banlieue de Prague — où naîtra Murr — avant de gagner la France en 1925. Elle y restera jusqu’en 1939. 

C’est durant ces quatorze années françaises que Marina Tsvetaeva entretiendra une correspondance avec l’une de ses rares amitiés féminines, la traductrice tchèque de littérature russe Anna Teskova, rencontrée lors de son séjour praguois.

    L'amour de Marina Tsvetaeva pour Prague est inconditionnel et devient en creux le révélateur de sa détestation pour Paris. En France, Tsvetaeva peine à trouver sa place. Paris est tissée de désillusion. Il n’y a que le vide, l’attente interminable, le coeur qui se brise. De Paris, ou plus exactement de Meudon, Marina plante l’exil. Elle crie la douleur du déracinement, l’impossibilité de vivre au présent d’une langue privée de lecteurs, le manque de temps pour écrire, d’espace pour sentir. Et son cri est celui solitaire du poète en exil, du poète sans échos.

L'exil de Tsvetaeva est un exil « double-peine ». En toile de fond du manque de ce pays de coeur qu'elle idéalise — la République tchèque — demeure le manque originel de cette Russie du souvenir vers laquelle on ne peut revenir parce qu’elle n’existe plus.

    Pour coudre la mémoire et relayer la mélancolie, les mélodies tchèques et russes d’Anton Dvořák, Leoš Janáček, Vítězslav Novák, Piotr Ilitch Tchaïkovski et Sergueï Rachmaninov se feront les relais sensibles de ces mots qui, parfois même aux plus grands poètes, viennent à manquer.

Avec Anne Jeanvoine, texte

Agathe de Courcy, texte et chant

Antoine Ouvrard, piano

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